En 2011, le cabinet Technologia, spécialiste de la prévention des risques liés au travail, publiait une étude en partenariat avec le syndicat national des journalistes (SNJ). Quatre ans après, qu’est-ce qui a changé dans le métier : numérique, polyvalence et multi-compétences, carences managériales, évolutions non concertées… ? Et comment ceux qui l’exercent vivent-ils ces mutations, souvent brutales ?
Technologia s’est donc penché sur l’état de santé des journalistes et du journalisme au travers une nouvelle enquête de 65 questions auquel ont répondu, entre juin et juillet 2015, 1 135 journalistes (47,5% de femmes et 52,5% d’hommes). Répartis en 13 chapitres, les résultats (télécharger l’analyse complète) font ressortir cinq aspects révélateurs de la situation du journalisme et des journalistes en France aujourd’hui : le flou grandissant du cadre dans lequel ils travaillent, l’impact d’évolutions mal maîtrisées et souvent non concertées, l’épuisement des professionnels, la trop faible prise en compte des risques et de leur prévention et enfin l’instabilité de la reconnaissance du travail tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur entreprise.
Le numérique : un changement durable dans la façon de travailler
La question de l’impact de l’arrivée du numérique sur la façon de travailler est ressentie très clairement et de plus en plus : 73% en 2011 et aujourd’hui 78% des journalistes attestent que ce changement est notable pour eux.
L’usage des réseaux sociaux est encouragé par leur hiérarchie pour plus de la moitié des journalistes et, en particulier, dans les radios du service public (avec un taux de 71%) et, bien sûr, dans les sites internet d’information. Le hic ? Cet usage se fait sans formation préalable dans les trois quart des cas.
Un grand retard dans le domaines des Ressources Humaines
Si le cœur du métier reste dans les fonctions de rédacteurs (38%), reporters rédacteurs (21%) et de secrétaires de rédaction, de nouvelles fonctions font leur apparition : 11% de rédacteurs web rédacteurs multimédias, des deskeurs, des community managers, des data journalistes, etc.
En pratique, 60% des journalistes exercent leurs fonctions sans que celles-ci aient de frontières précises et seuls 12% ont une fiche de poste, ce qui est loin des taux observés ailleurs.
Et les durées de travail sont souvent « hors limites ». Avec plus de 60% de la population travaillant plus de 8 heures par jour (dont près de 20% travaillent au- delà de 10 heures).
L’enquête précédente l’avait insinué, celle-ci le confirme : la question de la polyvalence concerne la quasi-totalité des journalistes : 85% en 2011, 87% en 2015.
Des évolutions mal maîtrisées, non concertées
Des marges de progression sont à noter dans la formation continue. Une majorité (54%) estime que les formations proposées sont adaptées aux besoins, mais les avis contraires ne sont pas négligeables. Ils sont même majoritaires (61%) dans l’audiovisuel public.
Concernant la fatigue et le stress, les clignotants restent au rouge. Les chiffres parlent d’eux-mêmes puisque 94% des journalistes sondés en font part. Et pourtant, la consultation d’un médecin ne vient qu’en 7e position dans les réponses apportées. Si l’étude titre la sonnette d’alerte et parle de l’isolement comme étant l’une des dérives à surveiller, cette situation n’est pas préoccupante pour les journalistes : 81%, et jusqu’à 86% des plus jeunes d’entre-eux, placent le stress dans le registre de la normalité.
Peu de réflexion sur l’évolution des métiers
Seuls 20% des journalistes estiment que cette réflexion a véritablement lieu dans leur entreprise.
Un constat inquiétant avec notamment des pointes à 87% d’absence de débat (réel ou ressentie) dans le domaine de la radio privée. Or, l’absence de débat si elle est vécue comme un déni des difficultés à venir peut s’avérer particulièrement dévastateur dès que l’entreprise entre dans une période de fortes turbulences avec des phénomènes de rachat, de fusion, de mutualisation et de réorganisation multiples,….