Alors, « un danger pour l’information que cette pratique » ? Ou « un gain dans la relation de confiance entre journalistes et communicants ? » Rien que sur la question de départ, deux points de vues antagonistes s’expriment. Ce qui a donné lieu à un débat passionné le 19 octobre dernier.
« Il sera publié quand votre article ? », « Vous me l’envoyez avant ? », « Est-ce que je peux relire l’interview ? » Tout journaliste a entendu ces phrases, subrepticement glissées par un interlocuteur ou un chargé de com’ à la fin d’une interview. L’entend-on de plus en plus ? Difficile à dire, tant c’est un sentiment bien plus qu’une mesure statistique. Reste qu’il suffit d’évoquer le terme de « relecture » pour engager un débat passionné entre confrères et à fortiori avec les chargés de communication, comme ce fut le cas le 19 octobre dernier au Mediacampus, lors d’un Apéro Club croisé avec l’APCom (200 membres), qui a rassemblé une quarantaine de personnes.
Alors, « un danger pour l’information que cette pratique » ? Ou « un gain dans la relation de confiance entre journalistes et communicants ? » Rien que sur la question de départ, deux points de vues antagonistes s’expriment – ce qui a d’ailleurs rendu difficile l’écriture d’un texte d’invitation commun au CPNA et à l’APCom !
Reste que les échanges en plateau, avec deux journalistes plutôt spécialisés et deux chargés de communication, dont un ancien journaliste, puis avec la salle*, permettent de convenir « que la règle du jeu doit être claire dès le départ ». C’est-à-dire que la demande de relecture de citations – celle d’un article entier est unanimement refusée par las journalistes présents – doit intervenir lors de la demande/préparation de l’interview et pas juste avant le bouclage/la publication. Libre ensuite au journaliste de refuser, ou tout du moins d’expliquer comme il travaille pour quel format de publication/diffusion.
Un distinguo assez clair est établi par tous, journalistes et communicants, sur le travail entre médias généralistes et spécialisés. Pour ces derniers, la technicité nécessite une exactitude des termes, qui passe par la relecture commune de certains passages. « Je rappelle un professeur qui travaille depuis 15 ans dans son domaine, pour être sûr de ce que j’ai écrit », témoigne une journaliste. Pas du tout en presse généraliste, où la non-relecture semble être plus la règle.
Les chargés de communication, qu’ils travaillent pour une entreprise, une institution ou une agence, détaillent eux les circuits hiérarchiques, parfois lourds, qu’ils doivent respecter au quotidien. « Vous êtes beaucoup plus libres que nous », est répété maintes fois. Mais ils mettent aussi en avant leur rôle de « pédagogue » en interne quant au fonctionnement des médias, voire parfois de « pompier » après une mauvaise expérience : des propos mal compris ou retranscrits, par exemple. Une appréhension et un besoin de maîtrise de l’expression qui se heurtent au travail du journaliste qui a besoin « de couleur, de vie, de naturel, dans les interviews » et qui n’est jamais plus content que « quand il a un numéro de téléphone direct sans avoir besoin de passer par la com’ », selon un confrère. Le débat s’élargit alors aux regards mutuels que se portent les deux professions –« Je ressens toujours une sorte de condescendance, voire de mépris, chez les journalistes. Alors qu’il y a des bons et des mauvais professionnels des deux côtés », dit tout de go une communicante– ainsi que les précarités qu’elles vivent respectivement ces dernières années. Preuve qu’il y a (encore) matière à débattre.
* Merci au passage à tous les intervenants pour leur franchise. L’expérience serait-elle à renouveler ?
Thibault Dumas, président du Club de la presse Nantes Atlantique
Photos : @ Maureen Le Mao