Voilà 25 ans que la sociologue et écrivaine turque Pinar Salek se bat pour échapper à la justice de son pays. Aujourd’hui, réfugiée à Nice, elle est à nouveau sous la menace d’une extradition. La Cour Suprême de Turquie a en effet annulé pour la quatrième fois son acquittement. Elle est accusée d’être une terroriste. Son crime : avoir défendu la langue kurde. Le 17 février au bar du Lieu Unique à Nantes (Loire-Atlantique), le Festival Atlantide lui a offert une tribune.
«Je suis une militante de la poésie. Je suis une anarchiste», a lancé la sociologue et écrivaine Pinar Salek à la salle venue l’écouter. Dans sa bouche, l’anarchie est un moyen de se défendre contre une dictature qui veut imposer ses idées avec violence.
«Ils veulent nous empêcher de réfléchir, d’imaginer, d’exprimer nos émotions. Mais la poésie ne se contrôle pas. Elle est insurrectionnelle et les poètes sont les meilleurs résistants car ils refusent de s’adapter. Ce sont des marginaux».
Pinar Salek
Pinar Selek a ensuite rendue hommage à son père, avocat, emprisonné comme elle dans les geôles turques.
«Il m’a sauvé en me disant : si tu veux m’écrire, utilise des mots que les puissants ne peuvent pas comprendre. Transforme la réalité. Ecris avec des métaphores». Pinar Selek n’avait que 10 ans lorsqu‘elle a reçu ce conseil. Ainsi a commencé son goût pour la littérature et son combat contre la censure.
«La guerre ne tue pas que des hommes. Elle tue aussi la culture, les rêves, la poésie», a-t-elle encore crié en écho aux nombreux poèmes censurés lus au cours de cette soirée. Avant de conclure : «Restons nous mêmes » et de scander avec la salle «Jin Jiyan Azadi », un slogan kurde à la gloire des femmes, de la vie et de la liberté.
Alain Mabanckou, le directeur artistique du Festival Atlantide, a salué l’inlassable militante, symbole de la liberté d’expression et a rappelé le rôle du Festival qui a rassemblé une quarantaine de poètes. «Vous êtes notre fierté. Nous sommes là pour vous protéger et pour vous donner la force de continuer.»
Texte et photo : Thierry Bercault