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Marjorie Gosset, la photographe passeuse de mémoire

Elle est graphiste, designeuse, photographe et un peu journaliste à sa manière. Avec son exposition sur les Transbordeuses au passage Sainte-Croix, la Nantaise Marjorie Gosset a sorti de l’oubli les premières femmes qui ont mené des grèves en France. C’était en 1906 à Cerbère, à la frontière avec l’Espagne. Pour rendre hommage à ces combattantes, la reporter artiste a réalisé des portraits des porteuses de cette histoire méconnue.

Marjorie Gosset et Raymonde : de la complicité pour réussir les photos.

     Les Transbordeuses, ce sont des saisonnières qui transféraient des agrumes venus d’Espagne sur des trains français. Elles travaillaient par équipe de 5. Les unes mettaient les oranges dans des couffes, des paniers en osier de 20 kilos. Les autres les rangeaient dans les wagons français. Un travail dur payé une misère : 75 centimes la tonne.

Les transbordeuses de Cerbère, les premières femmes à se mettre en grève en 1906.

      C’est lors d’une exploration photographique en Catalogne que Marjorie Gosset a découvert cette activité qui a duré presque un siècle de 1878 à 1967. Elle a mené une enquête, retrouvé des archives et  des témoins et pour raconter cette histoire qu’elle a appelé «la révolte des orangères», elle a choisi de suivre 5 femmes pendant 2 ans.

Du fait historique à l’histoire intime

    «Je n’ai pas voulu faire un documentaire» explique-t-elle. «J’avais envie de me confronter à l’humain plutôt qu’aux faits historiques. J’ai reconstruit ces évènements avec leur intimité»  

     Son initiative n’a pas rencontré d’obstacle. Tout de suite, Jacqueline,72 ans, infirmière à la retraite et fille de transbordeuse, a rameuté ses copines : Raymonde, 89 ans, Georgette, 92 ans, Jeannette, 89 ans et Colette, 63 ans. Toutes ont accepté de se livrer à l’objectif.

      « Elles étaient fières de cette histoire, fières de ces femmes à fort caractère» reconnait Marjorie Gosset. «Elles tenaient à transmettre leur combat.»

Georgette et les oranges qui ont servi d’affiche à l’exposition.

Des portraits sans dénaturer

        Mais pour poser un regard juste sur ces femmes, la portraitiste a beaucoup discuter avec elles. Avant de sortir son appareil photo, elle a cherché à créer un lien de confiance, un climat serein afin qu’elles soient les plus naturelles possibles.

Tantôt elle a capté un moment fort. Tantôt elle a donné du sens à une situation comme cette photo qui sert d’affiche à l’exposition où Georgette tend des oranges à Jacqueline. Tantôt elle a mis en scène ses sujets. Exemple : lorsque Jeannette, l’ancienne institutrice raconte comment sa grand-mère s’est couchée sur les rails au péril de sa vie pour bloquer les trains et obtenir une augmentation de 25 centimes, elle a eu l’idée de la photographier avec le portrait de ses grands parents dans les mains.

Quand Jeannette raconte l’histoire de sa grand-mère gréviste.

Les Transbordeuses au Passage Sainte-Croix

         L’exposition «Transbordeuses, la révolte des orangères» est à découvrir jusqu’au 23 novembre au Passage Saint-Croix, 9 rue de la Bâclerie à Nantes. Elle est également programmée pour la Quinzaine photographique nantaise.

Thierry Bercault