Pas de visas pour les journalistes afghans : que dira la justice ?

Mardi 28 janvier, le Tribunal Administratif de Nantes a examiné le recours de 16 journalistes afghans qui se sont vus refuser leur visas d’asile par le Ministère de l’Intérieur. Le SNJ et le Syndicat des Avocats de France étaient venus plaider leur cause en tant qu’intervenants volontaires. Le Club de la Presse de Nantes Atlantique était présent pour soutenir cette action en justice.

Le 16 août 2021, après le retour au pouvoir des talibans, le Président de la République, Emmanuel Macron avait indiqué qu’il apporterait “l’aide de la France à tous les afghans – défenseurs des droits, militants, artistes, journalistes – menacés en raison de leur engagement”. Mais depuis juin 2024, changement de cap. Les demandes d’accès au statut de réfugiés des journalistes afghans sont systématiquement et massivement rejetés par le Ministère de l’Intérieur.


C’est ce qui a conduit 16 journalistes afghans à déposer un recours en référé auprès du Tribunal Administratif de Nantes. Certains sont réfugiés au Pakistan ou en Iran où ils sont menacés d’expulsion. Le Pakistan a lancé en octobre un plan de rapatriement et l’Iran, qui a déjà explosé 600 000 afghans, est en train de construire un mur anti-migrants à sa frontière avec l’Afghanistan.

Antoine Chuzeville, secrétaire général du SNJ, avait fait le déplacement à Nantes pour soutenir les journalistes afghans

Menaces de mort, disparitions, arrestations

Quant à ceux qui vivent en Afghanistan, la situation est encore pire. Menaces de mort, disparitions, arrestations arbitraires, assassinats et persécutions notamment pour les femmes journalistes. 43% des médias ont été fermés au cours de ces 3 derniers mois.


Pour le Ministère de l’Intérieur, ces journalistes qui font entendre leur voix auprès de la justice française ne remplissent pas les critères pour obtenir un statut de réfugiés. Ils ne courent, selon lui, aucun risque et il n’y a pas d’urgence à examiner leur demande d’asile. Certains ne seraient plus journalistes ou l’auraient été très peu de temps.

Des refus de visas selon la défense

Au tribunal, les avocates de La Défense ont tenté de montrer le contraire. Selon elles, les décisions du Ministère de l’Intérieur ne reposent sur rien. Pas de fondements législatifs, pas d’avis de la commission de recours qui s’est déclarée incompétente et surtout pas de témoignages fiables puisque les entretiens réalisés dans les consulats ne figurent pas aux dossiers. Pour elles, ce sont de simples notes diplomatiques. Bref, pour ces avocates, ces décisions sont le fait du prince. Elles sont arbitraires, reposent sur des procédures opaques et hiérarchisent injustement les risques.


Au cours de l’audience, l’avocat du Ministère a essayé de justifier les refus de visas en expliquant que la situation des plaignants étaient analysées au cas par cas, que ni l’urgence, ni les risques pour eux et leur famille n’étaient avérés. Pour preuve selon lui, le fait que certaines demandes étaient anciennes. Par ailleurs, il a souligné que rien ne les empêchait d’adresser leur demande d’asile à d’autres pays comme la Suisse, les Pays-Bas ou l’Espagne.

Le jugement sera rendu d’ici deux semaines.

Thierry Bercault